L’étude de la réception de Rousseau s’est longtemps cantonnée au XVIIIe siècle, à la Révolution française et au Romantisme. Il semblait qu’au-delà les lecteurs déformaient trop la pensée du philosophe et l’utilisaient à des fins qui lui étaient étrangères. Pourtant le commentaire sur Rousseau n’a jamais été aussi important, riche et varié qu’au XXe siècle où plus de vingt mille livres et articles lui ont été consacrés de par le monde entier et sur tous les sujets que son oeuvre a abordés. Il est essentiellement devenu le fait de l’université à partir de 1950, mais on aurait tort de négliger pour autant le discours extra-universitaire tel qu’il s’est montré avant-guerre ou tel qu’il se montre encore en maintes occasions.

La présente étude examine cette réception à travers les trois célébrations de 1912 (bicentenaire de la naissance de Rousseau), 1962 (deux cent cinquantième anniversaire de sa naissance et bicentenaire
du Contrat social) et 1978 (bicentenaire de sa mort). Elle montre les enjeux de chaque période et comment, à chaque fois, Rousseau a fait parler ceux qui croyaient le faire parler. L’interprétation de l’oeuvre
qui, souvent, plonge l’étudiant dans une attitude contemplative a longtemps fait croire au caractère neutre de la critique. Celle-ci, Wolfgang Iser l’a bien montré, ne l’est pourtant jamais et exprime les préjugés et les limites de son temps, aujourd’hui comme hier. Le travail sur la réception de Rousseau illustre bien cette utilisation que chaque époque fait de sa pensée.